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Dans le monde du capitalisme, l’horizon est vide. La route sur laquelle marchent les foules
mondialisées est la route vers nulle part. Bien sûr, nous sommes tenus de croire qu’il n’en est
pas ainsi. Nous devons faire comme si les choses pouvaient ou devaient continuer — en allant
seulement de plus en plus vite. Mais nous sommes sans doute nombreux à être lassés de ce
jeu. Nombreux, aussi, à espérer la possibilité d’un retournement.
Extrait :
Est-il encore possible de concevoir un retournement de la situation mondiale, à partir
duquel seulement pourrait se dessiner un nouvel horizon ? Qu’il puisse y avoir un « horizon
inverse » : cela ne signifie pas que nous devons concevoir une de ces « alternatives » que le
capitalisme pourrait tourner à son avantage. S’il y a alternative, celle-ci doit être formulée
dans toute sa radicalité : voulons-nous la route mortifère promise par le capital, l’accélération
sur fond de vide — en espérant ne pas trop mal s’en tirer de son côté. Ou bien
voulons-nous
dessiner une forme de la vie commune qui préserve la possibilité même du futur ?
Le fait même de poser cette question oblige à redéfinir la politique — celle qui vise
l’instauration de l’égalité. Sa visée ne se limite pas à une « redistribution des richesses » : elle
est de transformer les relations jusque dans la vie la plus ordinaire. Son enjeu est de restituer à
la vie ordinaire la possibilité de tenir la promesse qu’elle contient : être le lieu du bonheur.
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Bernard Aspe :
né en 1970, philosophe, auteur de L’instant d’après (La Fabrique, 2006) et de Les mots et les actes (Nous, 2011).
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